Lettre type "Etat des lieux + Impacts" (version longue)
OBJET : Ne pas mettre TVA dans l'objet. Dans ce cas, le message part directement dans un dossier, potentiellement sans être lu, et un message automatique vous est envoyé au sujet de la TVA
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je tiens tout d’abord à remercier par avance ceux qui me liront jusqu’au bout.
J’ai pris connaissance des raisons qui poussent certains de nos dirigeants à abaisser le seuil de franchise de TVA à 25 000 euros, et, comme le sujet n’est pas clos, je me permets de vous apporter le point de vue d’un auto-entrepreneur de province, (qui côtoie des dirigeants de sociétés, entrepreneurs individuels au réel, auto-entrepreneurs, artisans, commerçants, professions libérales), avec l’espoir d’enrichir vos réflexions.
Pour ma part, ce n’est pas tant la réforme qui me dérange, que :
- le manque de nuances avec laquelle est proposée : sans tenir compte des spécificités propres à certaines activités, mettant en péril certains métiers.
- La violence et la rapidité avec laquelle a été mise en place.
- La rétroactivité sur 2024, qui ajoute de l’injustice à l’injustice et lui confère un caractère presque anticonstitutionnel.
Il me semble indispensable de voter, dans l’urgence, une proposition de loi transpartisane au parlement, afin de rééquilibrer cette réforme et lui apporter un semblant de justice.
Les justifications évoquées pour l’abaissement de ce seuil sont : réduire les distorsions de concurrence et l’harmonisation européenne.
Mais d’abord, sur le sujet du manque de nuance :
Si une telle mesure devait être prise, il me semble qu’elle doit tenir compte de certaines spécificités :
- Services B2C : Avec les hausses récentes de prix de biens de première nécessité qui ont gravement affecté le budget des ménages, un auto-entrepreneur qui propose des services B2C (souvent de seconde nécessité) ne peut se permettre une hausse des prix de 20%. Il doit donc absorber les 20% de hausse (puisque ses achats sont marginaux avec donc peu de TVA récupérable).
- Récupération de TVA sur achats : Différencier un commerçant qui ne récupère pas la TVA sur ses achats, d’un commerçant qui récupère la TVA sur ses achats (Economie circulaire)
- Taux horaire/ journalier : Différencier un consultant en marketing digital qui facture 800 euros la journée sans frais annexes, d’un coiffeur à domicile qui facture 20 euros de l’heure sans re facturer son temps de transport, usure du véhicule...
Sur le sujet de la distorsion de concurrence :
La distorsion de la concurrence générée par les auto-entreprises est très marginale, voire inexistante comparée à celle provenant du travail dissimulé et des importations (ces dernières, qui certes, alimentent les caisses de l'État en TVA, mais détruisent des milliers de sociétés et d’emploi).
Comment peut-on parler de distorsion de concurrence, quand, dans de nombreux métiers (exemple du bâtiment, de l’artisanat), les chefs d’entreprise assujettis à la TVA ont des carnets de commande remplis à 6 mois, 1 an, 2 ans… et font les difficiles en refusant les chantiers qui ne sont pas assez lucratifs, pas assez intéressants ou trop compliqués.
A l’heure d’aujourd’hui, tous ces projets sont récupérés par les auto-entrepreneurs, souvent de jeunes entrepreneurs, en soif d’apprendre, et davantage passionnés par leur travail que par le profit (qu’ils envisageront dans un second temps). Ceux qui sont prêts à travailler pour 30 euros de l’heure alors que certains de leurs confrères assujettis font la fine bouche et ne veulent pas se lever pour moins de 90 de l’heure. Ces auto-entrepreneurs comblent ainsi un vide en proposant une offre de prix raisonnable, et indispensable à une grande partie de la population. Sans ces auto-entrepreneurs, ce vide serait comblé par le travail dissimulé et les importations avec une distorsion de concurrence beaucoup plus rude, et ce, sans création de richesse + impôts pour l’Etat.
Les auto-entreprises et les sociétés adressent donc des besoins/ clientèles différentes qui se complètent et servent, l’une et l’autre les intérêts des citoyens, sans vraiment se cannibaliser.
Pour exemple :
- Un maçon en auto-entreprise ne va pas travailler sur de gros chantiers (qui sont récupérés par les sociétés). Il va travailler sur de petits chantiers (délaissés par ces sociétés, ou surfacturés).
- Un commerçant de seconde main ne concurrence pas un éditeur de meubles français (aux prix élevés inaccessibles pour 90% de la population), mais plutôt les grandes enseignes internationales de meubles qui produisent des meubles à l’autre bout du monde. Ils contribuent ainsi à relocaliser la création de richesse en France.
Parmi, les auto-entrepreneurs qui se donnent les moyens, combien sont ceux qui peuvent se targuer d’atteindre ne serait-ce que le seuil de TVA en vigueur actuellement alors qu’ils n’ont même pas déduit leurs frais ? Et croyez-moi, tous les auto-entrepreneurs ne souhaitent pas rester au régime de l’auto-entreprise toute leur vie. Pourquoi ne pas leur laisser le temps d’apprendre, comprendre la fiscalité, capitaliser sur leurs bénéfices pour investir, s’équiper, développer leur clientèle …?
Sur le sujet de l’harmonisation Europe :
Aujourd’hui, un auto-entrepreneur Français exonéré de TVA se retrouve avec quasiment le même bénéfice net qu’un auto-entrepreneur d’un autre pays assujetti à la TVA.
Au global, si le seuil est abaissé, cet entrepreneur français, dans la plupart des cas de figure, se retrouvera 2 fois plus taxé que ceux des autres pays de l’union européenne.
Sur les recettes de l’Etat :
Si la mesure passe, ce n’est pas 500 millions de gains, mais plutôt quelques milliards de pertes pour les caisses de l'État. Entre les fermetures (avec au passage quelques personnes au RSA), les sous-déclarations, les duplications d’entreprises, le renforcement du travail dissimulé, les domiciliations à l’étranger.
Pourquoi ne pas plutôt :
- Renforcer les contrôles sur le travail dissimulé, les sous-déclarations.
- Taxer les importations de biens/ services qui ne bénéficient pas à l’économie française pour relocaliser la création de richesse (Fast fashion, Fast furnitures, jouets…)
- Une idée en l’air : ne serait-il pas envisageable à moyen terme de taxer les exportations de Datas ?
Pour conclure :
Comme expliqué en première partie, il me semble indispensable de traiter les auto-entrepreneurs avec nuance, en modulant l’application de ce seuil en fonction des natures, spécificités des différentes activités; notamment pour les services B2C et les commerçants ne récupérant pas la TVA sur leurs achats, mais également pour les artisans. L’auto-entreprise est un dispositif incitatif, et un seuil si bas ne permet à l’artisan de se lancer en partant de presque rien/ de capitaliser sur ses bénéfices pour investir, d’abord en nom propre, pour passer ensuite au régime réel ou en société. Cet artisan en auto-entreprise payant déjà 20 % de charges + achats de matière première + matériel. Vous allez me répondre que ce régime n’est pas adapté. Pourtant, c’est bien ce régime de l’auto-entreprise qui a permis à de nombreux artisans de se lancer. Pour eux, abaisser ce seuil à 25000 euros, c’est juste la mort de l’auto-entreprise, tuer une bonne part des initiatives individuelles.
Le marketing nous apprend que pour maximiser ses recettes, une entreprise doit proposer une offre qui adresse différentes cibles. Alors, pourquoi l’Etat n’en ferait pas de même : sociétés et auto- entrepreneurs ne seraient pas des ennemis; ils se complèteraient dans un effort collectif au service de leur pays pour faire face aux enjeux de la mondialisation et permettre à chacun de trouver sa place.
Cette réforme appliquée avec aussi peu de nuances sonnerait le glas de trop d’espoirs, d’individus qui se battent tous les jours pour eux-même, leurs familles, leurs pays (et une forme d’idéal), et qui, dans la conjoncture actuelle, auraient beaucoup de mal à s’en remettre.
Pourquoi assommer au lieu d’accompagner en recherchant d’autres pistes ?
En vous remerciant pour la considération portée à ce message.
Je vous prie d’agréer, Mesdames et Messieurs les Députés, l’expression de ma haute considération.
Cordialement,